dimanche 10 avril 2016

Question de mères : l'allaitement

A  quoi sert l'allaitement ? 

Choisir d'allaiter son enfant, c'est faire un choix global de maternage où les besoins fondamentaux du petit être qui vient de naître sont considérés avec respect. 
  •  Se nourrir sainement – le lait maternel est irremplaçable, c'est un aliment vivant, il est digeste, et bioassimilable. La composition du lait sécrété par la mère s'adapte au fur et à mesure des besoins de croissance de l'enfant. Aucun autre aliment ne possède ces vertus.
    En cas de co-allaitement, le lait s'adapte au plus jeune enfant.

  • Stimuler les défenses immunitaires pour aider à développer un corps sain et vigoureux, capable de se défendre seul en cas de maladie courante.

  • Nourrir les besoins affectifs (se rassurer, se consoler, partager un moment de tendresse et de douceur, proximité, chaleur, contact …) pour grandir de façon la plus équilibrée possible.

Et quand on n'allaite pas ?

On n'est pas une « mauvaise mère » parce qu'on n'allaite pas. Des femmes n'allaitent pas par choix lié à leur histoire personnelle. C'est plus dommage lorsqu'il s'agit d'un manque d'information, ou d'un manque de soutien en cas de difficultés …
Allaiter favorise la création de liens avec l'enfant et donc facilite le maternage. D'après Claude Didierjean, on a donc plus de mérite à pratiquer un maternage bienveillant lorsqu'on n'allaite pas car il faut trouver d'autres stratégies créatives pour partager du temps et de la tendresse avec son enfant et aussi veiller à ce qu'il profite d'une alimentation saine et riche. Même si certains besoins semblent incontournables à combler, il existe mille et une façons de donner de l'amour à son enfant... il existe donc au moins mille et une façons d'être une bonne mère !

Faisons la chasse aux idées reçues

La société française dans son ensemble ne voit pas d'un bon œil l'allaitement, même si depuis une bonne dizaine d'années, le corps médical s'aligne sur les préconisations de l'OMS (Organisme Mondial de la Santé). La France est même le parent pauvre avec la durée la plus courte d''allaitement de tous les pays développés !

Dans ce contexte comment allaiter son enfant le plus sereinement possible ?

Tout d'abord, se protéger ! Il faut bien du temps pour faire évoluer les mentalités, surtout si la pensée « vraie » est dictée par une hiérarchie puissante et reconnue. C'est parfois dur pour une mère qui allaite de sentir dans le regard et les discours des autres - et notamment d'autres femmes - le jugement, la culpabilisation. Tous les parents ont envie de bien faire et le fait de se sentir marginale, avoir l'impression d'être hors-norme ne favorise pas le sentiment de compétence et l'estime de soi.
« Ton petit ne dort pas encore ? ...Tu l'allaites ? » …. Silence et poids du regard qui donne l'envie de se recroqueviller très profond au fond de soi… Les plus authentiques continueront peut-être « C'est pour ça, franchement, tu devrais arrêter, moi ça m'a changé la vie. ». D'autres se tairont, mais n'en penseront pas moins. Surtout, ne laissons pas leurs pensées nous atteindre ! Il n'existe pas de norme en matière d'éducation, chaque relation est unique et le meilleur juge pour juger de l'éducation de vos enfants, c'est vous ! C'est une très belle expérience pour retrouver confiance en sa capacité de puissance et de jugement personnel.
 Les femmes ont énormément à faire dans ce domaine, mais c'est là un autre débat … On a toujours le choix de répondre ou pas aux gens qui s'étonnent ou nous questionnent, de rester très allusive, (après tout cela ne regarde que nous), voire même de faire comme si on n'avait pas entendu et passer à un autre sujet : « Quelle chaleur aujourd'hui, je crois que je vais aller me rafraîchir. » !!!

Quelques idées à interroger de plus près ...

  • L'alimentation solide est plus nutritive que le lait maternel ... comme si le lait maternel n'était pas nourrissant ! Tant que l'enfant est au stade du « nourrisson », l'image de la femme allaitante est appréciée, voire encouragée. Mais dès que l'enfant atteint quatre, cinq, six mois, alors là, il faut passer aux choses sérieuses !
    « Votre lait est n'est pas assez riche », le discours des professionnels de santé s'est construit dans ces termes autour des années 70. C'est à cette période également que les laits industriels faisaient leur entrée sur le marché … et dans les maternités. ..Un stéréotype qui a la vie dure encore aujourd'hui. 

     Or, le nourrisson de six mois a tout le temps de découvrir l'alimentation humaine et s'il est encore allaité, c'est bien le lait maternel, reconnu pour ses qualités exceptionnelles qui le nourrira. (On observe seulement des carences en fer dans le lait à partir de ce moment là.)



    Les aliments introduits en douceur plus qu'un mode d'alimentation participent à l'éveil des sens ....







     ...  attisent  la curiosité de l'enfant et son envie de découvrir le monde.




    Pour le reste le lait maternel reste l'aliment vivant qui répond le mieux aux besoins alimentaires de l'enfant. C'est la raison pour laquelle, l'OMS (Organisme Mondial de la Santé) s'appuyant sur des études poussées dans le domaine, préconise un allaitement exclusif jusqu'à 6 mois et une poursuite de l'allaitement jusqu'à deux ans, voire plus.


  • L'allaitement favorise la dépendance et les difficultés de séparation.
    A peine sorti de notre utérus, le fantôme de la fusion vient roder autour de nous ... et   nombreux   sont ceux qui nous enjoignent  de nous séparer de ce petit monstre avide et gesticulant qui est prêt à nous mettre à genoux pour assouvir ses besoins. Quelle voracité ! Alors l'allaitement, oui, mais dès qu'on peut favoriser la sacro-sainte autonomie du nourrisson, donnons lui de la nourriture solide, qu'il ne s'attache surtout pas à nous ... et qu'il nous laisse en paix !
    Selon cette croyance, il est très rare de voir des mères allaiter leur enfant au delà d' un an. Sans doute le passage de Dr Freud a t-il fait des dégâts là aussi en estimant que la fusion mère-enfant était nuisible à l'épanouissement de ce dernier. Je ne vous parle même pas du danger de la relation incestueuse …
    Et pourtant ... il faut savoir qu'un enfant dont les besoins sont satisfaits, c'est le cas de l'enfant allaité, est un enfant rassuré - et un enfant rassuré peut partir à la découverte du monde en pleine confiance. Il n'a pas besoin de rester collé à sa figure d'attachement car le maternage proximal l'aide à construire une autonomie réelle dans le respect de son rythme et de ses besoins,  et une confiance intérieure. A contrario, un enfant insécurisé viendra réclamer à se parents de l'amour et des limites tant qu'il n'aura pas trouvé un cadre serein pour s'épanouir ... 

  •  L'allaitement favorise les réveils nocturnes et fatigue les mères
    L'idée que les enfants allaités se réveillent plus la nuit et ne savent pas se rendormir sans la tétée n'est pas du tout prouvée scientifiquement. Beaucoup d'enfants se réveillent la nuit, allaités ou pas ... Les raisons en sont nombreuses : poussées dentaires, coliques ...

Et le besoin d'indépendance des mères ?
Bowlby, dans sa théorie sur l'attachement a montré qu'un tout petit a besoin d'une figure d'attachement stable jusqu'à ses deux ans pour acquérir un sentiment de sécurité intérieure. Par figure d'attachement, Bowlby entend une personne avec qui l'enfant se sent suffisamment en confiance pour  se confier en cas de détresse. (écouter l'excellente conférence de Nicole Guédeney)
C'est ici qu'on peut aborder la question des limites. Chaque mère pose ses limites de façon différente et l'important n'est pas forcément de tout donner à son enfant, mais plutôt d'être à l'écoute de ce qui se passe d'important pour lui et qu'il ne dit pas forcément avec des mots. 

Quand l''allaitement prend fin ...


Quand la mère décide du sevrage
Le sevrage coïncide pour beaucoup de femmes avec la reprise du travail. Des études ont montré que si la durée de l'arrêt maternité se prolonge, l'allaitement se prolonge d'autant. C'est dire que les conceptions sur l'allaitement sont imbriquées de très près avec les conditionnements culturels.
Le choix du sevrage devrait se faire en toute connaissance de cause. Une mère doit sonder au préalable toutes les facettes de son être pour savoir si son « oui » au sevrage est total. Dans le cas contraire, il est important qu'elle fasse confiance à son intuition. Sent-elle un besoin de proximité et de partage encore très fort avec son enfant ? Peut-elle trouver d'autres stratégies pour le satisfaire ? Sent-elle que son enfant aime encore beaucoup téter ?
Là aussi, il existe de multiples façons de faire et c'est à chaque mère d'inventer son sevrage en fonction de la relation particulière qu'elle vit avec son enfant. Pour le respect de ce dernier, comme dans toute relation, il est important d'informer l'enfant de sa décision et de lui en parler régulièrement. Ensuite, diminuer le nombre de tétées de façon progressive, conserver les tétées du matin et /ou du soir en cas d'absence dans la journée …
Le sevrage devrait être envisagé comme un processus à plus ou moins long terme et non comme une fin de contrat de travail avec une date buttoir irréversible ! Et bien sûr, veiller à répondre aux besoins de tendresse, de chaleur et d'échanges du tout petit!

Quand le sevrage est initié par l'enfant 
C'est alors parfois au regret de la maman qui elle, se plaisait dans cette relation ! Ce sevrage qu'on appelle naturel se fait entre 2 et 7 ans en moyenne. Il peut arriver que l'enfant se sèvre avant.
La plupart des mères qui allaitent longtemps ne donnent la tétée généralement que le matin ou le soir. On voit très peu ce type d'allaitement car il est tabou et les mères ne se montrent pas en public mais il existe et l'OMS le recommande. Ce type d'allaitement long n'est pas contraignant vu sa fréquence. Il permet d'offrir à la mère et à l'enfant un espace de partage et d'affection.



Avec l'arrêt de l'allaitement, selon l'âge de l'enfant, il est important de prendre en compte les conséquences pour la mère, telles les montées de lait, les risques éventuels d'engorgement. Pendant cette période, un tire-lait est un bon compagnon !

Nicole


Pour aller plus loin ...
Les 10 plus gros mensonges sur l'allaitement, Claude Didierjean – disponible à la bibliothèque
La bible : L'art de l'allaitement maternel, La Leche League – disponible à la bibliothèque
Allaitement maternel, les bénéfices pour la santé de l'enfant et de sa mère, Programme National Nutrition Santé, Ministère des Solidarités, de la Santé et de la Famille - Disponible à la bibliothèque
La conférence de la pédopsychiatre Nicole Guédeney, dans un langage que j'ai trouvé clair, riche et accessible , https://www.youtube.com/watch?v=Vg04KWHWH5o